Iel sont à New York en résidence avec le collectif Afterpartycollective et Saunak Mahbubani (co-fondateur) au ISCP et pas de retour programmé en Inde avant des mois.
Videsha Saini devenue les Vidisha-Fadescha- sont né-e-s en Inde, et travaillent à Delhi, mais aussi en bougeant, en se mobilisant et surtout en collaborant : artiste, curateur, activiste anti-castes cela va de soi dans un pays qui part déjà depuis un moment à la dérive avec son nationalisme populiste.
Les Vidisha-Fadescha se définissent comme trans, queer, non-binaires, et leur art dès ses débuts a pris le chemin de l’activisme.
C’est le choc d’Occupy Wall Street en 2011, alors que Vidisha était en train de finir ses études aux États-Unis, qui va changer sa vie, elle doit rentrer en Inde et essayer de bouger cette société indienne.
Pour comprendre le travail des Vidisha-Fadescha, il faut d’abord se débarrasser de l’image ”Incredible India” qui convient à tant de gens, et lire les classiques du système anti-castes, l’emblème de cette lutte, B. R. Ambedkar ( 1891-1956) : dalit, intouchable, Ambedkar s’éduque dans les plus grandes universités de la planète et devient entre autre, l’un des artisans de la constitution indienne, lançant des actions publiques contre le système oppresseur des castes telle que boire de l’eau à une fontaine publique.
La pratique des Vidisha-Fadescha challenge le corps social indien et bouscule l’institution, dérange la lente gentrification des milieux de l’art.
Alors l’institution artistique en Inde, c’est…. pas grand chose, des galeries pas très engagées, beaucoup supermen désabusés et abusifs.
Les Vidisha-Fadescha ont donc pris leur distance avec cette scène artistique sans importance, ou la norme sexuelle, sociale, religieuse est souvent bien alignée au pouvoir.
Les Vidisha-Fadescha se sont métamorphosé-e-s en DJ activiste, la “night life” est devenue leur véritable champ d’actions, c’est là qu’iel touchent les jeunes, qu’iel les aident à briser les dernières chaînes d’une société hindoue, patriarcale et dominatrice.
Toucher plus de jeunes avec l’aide de la performance, être out complètement et encourager les jeunes à assumer leurs différences sexuelles, religieuses etc… dans un pays de plus en plus en proie au fascisme spirituel.
Dans la performance “some dance to remember, some dance to forget “, Fadesha et Saunak Mahbubani sont allongé-e-s sur un lit dans une scène intime d’un couple : se parlant, mangeant, s’embrassant en arrière fond défile le texte de la loi de protection “THE TRANSGENDER PERSONS (PROTECTION OF RIGHTS) ACT, 2019” qui donne enfin une reconnaissance des droits aux personnes transgenres.
Dans la vidéo performance queer collaborative “ BURN ALL THE BOOKS THAT CALL YOU THE UNKNOWN” (brule tous les livres ou on te traite comme un-e inconnu-e-s) 4 personnes se mettent en scène sur le dance floor laissant libre cours à leur corps seuls désormais capables de communiquer collectivement des violences, harcèlement subis individuellement; un des performers prend plaisir avec le cordon en coton que chaque Brahmane ( homme bien sûr) se doit de porter 24/24 sur son torse. Ces vidéos sont projetées au cours de soirées, et permettent que d’autres idées collectives surgissent.
On espère VITE voir les Fadesha et ses compères en France en résidence et en concert à la Gaîté Lyrique par exemple !
Installée en France depuis 2015, Kubra Khademi, née en 1989 dans une famille afghane originaire de Ghor et réfugiée alors en Iran, est une artiste pluridisciplinaire qui a fait du féminisme son cheval de bataille. Formée à l’université de Kaboul puis à la Beaconhouse National University de Lahore, elle se fait remarquer en 2015 avec sa performance Armor pour dénoncer le harcèlement de rue incessant et violent dont sont particulièrement victimes les femmes afghanes. Vêtue d’un maillot-armure de fer soulignant la poitrine, Kubra Khademi arpente les rues du centre de Kaboul sous les insultes, les moqueries et les menaces des hommes. Durée de la performance : quelques minutes à peine. Les menaces de mort la poussent à quitter l’Afghanistan pour la France où elle atterrit le 24 mars 2015 à 8h00. L’artiste parle alors de sa seconde date de naissance. Réfugiée politique, elle commence par apprendre le français à la Sorbonne avant d’occuper une résidence à la Cité Internationale des Arts de Paris pendant deux ans de 2017 à 2019. Cette même année, elle fait partie des nommés de la Bourse Révélations Emerige. Depuis mai 2020, la Fondation Fiminco (Romainville) met à sa disposition un grand atelier baigné de lumière qu’elle partage avec l’artiste canadien Benny Nemerofsky.
Lorsque nous la rencontrons, Kubra Khademi explique que cet atelier lui permet de prendre le temps de mieux réfléchir à son travail, à sa pratique. Même si l’artiste est en état d’alerte permanent pour sa création (elle se balade en permanence avec un carnet pour prendre des notes ou tracer des croquis ne considérant pas que l’espace défini de l’atelier doit être l’unique lieu de création), cet atelier lui permet de se poser et se concentrer. Elle considère tout son travail, sa démarche, ses croquis, études, performances, dessins, photographie, installation… tout est œuvre.
Dans les ateliers qu’elle a occupés successivement, sa pratique a pu évoluer, ses dessins ont changé de dimension, s’autorisant à créer sur des supports plus monumentaux. Précédant tout son travail, elle dessine un projet, avant de le confronter dans l’espace. Revendiquant son acte créateur en permanence, Kubra multiplie les statuts emblématiques de liberté et de castration : femme, musulmane, afghane, réfugiée, exilée…
La récente exposition (From the Two Page Book) que lui a consacré la galerie Éric Mouchet à Paris présentait de grands formats sur papier montrant un défilé de femmes libérées de toute contrainte patriarcale : femmes nues célébrant la puissance de leur désir et de leur jouissance reléguant l’homme à un rôle subalterne voire inutile, comme cette femme agenouillée offrant sa vulve saillante au spectateur, un hommage à Baubo, personnification antique de la « vulve mythique » selon Georges Devereux. D’autres œuvres représentent en gros plan, la pliure d’un coude ou d’une aisselle stylisant le pubis. Le texte écrit par son compatriote Atiq Rahimi rappelle quel fût l’élément fondateur dans l’imaginaire de l’artiste : la découverte, enfant, de la nudité des femmes qui se retrouvent au hammam, lieu d’abandon et de récits débridés et fantasmés où les femmes peuvent parler librement, sans risque d’être jugées. Passé ce choc visuel, la jeune fille commence à dessiner des nus, en cachette de ses parents mais reste hantée par la crudité du langage des femmes entre elles. Dès lors, son œuvre porte la marque puissante de cette liberté cachée.
Une autre œuvre (Première ligne) interpelle le visiteur par sa puissance narrative, un monumental quadriptyque de plus de 2 mètres de long représentant une frise de femmes, tout à tour, centauresse ou enceinte, statiques, déféquant ou armant leur arc. Malgré la crudité des sujets et les attitudes licencieuses de ses modèles, Kubra Khademi apporte un soin particulier à leur réalisation : un dessin précis à la gouache rehaussée de feuille d’or à laquelle elle associe parfois une broderie. Un classicisme auquel elle ajoute l’héritage de l’art millénaire de la calligraphie persane, qu’elle détourne pour écrire les vers d’un conte du mystique soufi Rûmi (XIIIè siècle) racontant l’accouplement d’une femme avec un âne.
Dans l’univers de Kubra Khademi, les femmes sont autonomes. En recréant un univers matriarcal, l’artiste redonne aux femmes leur identité originelle et réhabilite leur propre désir. Ainsi elles accouchent seules, mais en expulsant de leur utérus des animaux, elle donne libre cours à un imaginaire surnaturel. Dans ses représentations fantasmées, ses femmes s’approprient également des armes à la stylisation phallique (arc tendu, canon, sabre …) et leur gynécée se transforme en lupanar.
Kubra travaille actuellement à sa nouvelle série, Giving Birth (une suite de sérigraphies sur tissu blanc et brodé à l’or) qui sera exposée à Guyancourt en janvier 2022 sous le commissariat d’Élise Girardot. Des femmes accouchent d’animaux rappelant le rôle démiurgique de la femme dans les traités de sorcellerie. Des Caprices de Goya à l’univers luciférien de Félicien Rops, de Baudelaire aux surréalistes, Kubra s’inscrit dans la démarche mémorielle d’un exorcisme universel.
Une autre série en cours (15 oeuvres de grand format) sera dévoilée en octobre 2021 dans le cadre de l’exposition « 1% marché de l’art » en soutien aux artistes dont la commissaire est Camille Morineau au Musée d’art moderne de la ville de Paris. À la fin de l’exposition, Kubra Khademi détruira toutes ces œuvres dans une performance qu’elle explique : se sentant blessée d’être poursuivie pour ce qu’elle fait et représente, elle veut revendiquer ainsi son droit unique et absolu de garder le contrôle de ses œuvres.
Aujourd’hui, Kubra Khademi attend de pouvoir rejoindre New York pour une résidence de six mois à la Fondation Salomon (elle est lauréate 2020 du Salomon Foundation Residency Award), tout en ajoutant qu’elle reviendra vivre et travailler à Paris, une ville selon elle, très compétitive pour les artistes.
Le 25 juin 2021, son travail de restitution de résidence à la Fondation Fiminco présentera son projet conçu en collaboration avec son compagnon américain, une réflexion sur leur identité respective et la portée politique de leur couple.